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INTERVIEWS

INTERVIEW AVEC JESS IRISH, RÉALISATRICE, SCÉNARISTE & ÉDITRICE DE "THIS MORTAL PLASTIK"

Winner: Best Environmental Film - Édition Juin 2021





BIO


JESS IRISH

RÉALISATRICE, SCÉNARISTE & ÉDITRICE



Bill Mudge, Director & Co-Producer


JESS IRISH


Jess Irish, artiste, designer et écrivain aux multiples récompenses, est également réalisatrice de non-fiction lyrique et créatrice de médias transcatégoriels. Parmi ses films récents figurent "This Mortal Plastik", "For While" et "The Phantasmagoria of Offense : the male version". Sa pratique du design collaboratif est centrée sur la justice environnementale et les formes autonomisantes des nouveaux médias. Elle est la principale conceptrice de "Visualizing Pipeline Impacts", organisme créateur de médias et analyses sur les infrastructures de gaz de schiste.


Ses films, projetés dans des festivals nationaux et internationaux, ont reçu des distinctions telles que "Meilleur réalisateur de court métrage documentaire", "Meilleur film environnemental", "Meilleur film hybride", "Meilleur documentaire expérimental", "Meilleur art vidéo" et "Meilleur montage". Lauréate d'un "Creative Capital Award", elle a vu ses œuvres d'art présentées dans des magazines comme "Art Forum", "METROPOLIS", "RES" et "Artweek". Anciennement codirectrice/fondatrice d'OnRamp Arts, organisme à but non lucratif situé dans le centre de Los Angeles et plusieurs fois primé, elle a également collaboré à la création de projets de logiciels open source tels que "DataMyne" et "Urban Research Toolkit".


Irish est Maître de conférence en design et technologie à l'École d'art, médias et technologie de Parsons, où elle donne des cours de premier et de deuxième cycle sur la recherche en design, les œuvres hybrides et les nouveaux médias. Elle a obtenu un Master en Beaux-arts à l'UC Irvine et un Master en écriture créative à The New School. Elle vit dans la vallée de la rivière Hudson, à New York, avec sa famille d'humains et de chiens.





INTERVIEW



Bonjour Jess Irish, merci pour votre film ! Comment êtes-vous devenue cinéaste ?


Je suis venue à la realisation de films en tant qu'artiste visuel ; j'ai travaillé dans de nombreux médias au fil des ans. Il y a plusieurs années, je suis retournée à l'université pour étudier l'écriture créative. Dans un atelier de poésie, on m'a demandé d'écrire un essai lyrique, qui a fini par devenir le scénario de mon premier film. J'aime la façon dont la poésie ouvre d'autres voies vers la non-fiction. Cette façon de faire correspond mieux à la façon dont marche mon cerveau que les structures traditionnelles d'intrigue ou de narration.


"This Mortal Plastik" donne beaucoup d'informations dans un laps de temps

relativement court. Pourriez-vous nous parler de votre processus d'écriture ?


Merci, c'est un grand compliment. J'ai abordé le sujet des plastiques après avoir travaillé sur plusieurs projets de design concernant l'impact environnemental de ce que l'on appelle le "gaz naturel" - l'un d'entre eux étant le boom des plastiques inutiles. Je suis tombée sur une citation dans l'excellent livre de Susan Freinkle, Plastic : A Toxic Love Story : la molécule de polymère y ressemble à "une cathédrale qui s'étend sur des kilomètres".


Quelle image ! En poursuivant mes recherches, j'ai trouvé d'autres images impossibles, des contradictions. Lorsque j'ai decidé de faire un film sur le sujet, je savais que je voulais l'aborder non pas comme un plaidoyer ou un documentaire traditionnel - ce qui a été si bien fait par d'autres. L'absurdité du temps était un thème auquel je revenais sans cesse, et la première citation du poème de Transtromer m'a aidée à trouver une forme contre laquelle travailler - le temps comme un labyrinthe, un voyage errant.


L'un des principaux défis de l'écriture consistait à rendre intéressant un sujet relativement ennuyeux. Pourquoi cela vous intéresse-t-il ? m'a-t-on demandé, et je leur ai parlé de la passion de ma fille pour les baleines et l'océan, qui est devenue le cœur du film - une histoire personnelle, un sentiment d'émerveillement et aussi de deuil. J'étais nerveuse à l'idée d'arrêter la phase de recherche, car je ne comprends toujours pas complètement le fonctionnement des plastiques (je ne suis pas ingénieur chimiste !), mais là n'est pas la question.


Je raconte l'histoire du point de vue d'une mère, d'une fille, d'une consommatrice de plastique. Traiter le scénario comme un long poème m'a permis d'être impitoyable et de réduire le texte et le verbiage inutiles. Je pourrais maintenant écrire un essai entier à partir de n'importe quel vers, mais pour le film, je voulais transmettre une vision globale de la situation dans laquelle nous nous trouvons et non pas me concentrer sur un seul aspect.





Le film va au fond du probleme, sans pretendre pouvoir apporter des solutions.

Diriez-vous que vous essayez de puiser dans la conscience de chacun et si oui, pourriez-vous nous en dire un peu plus sur cette approche ?


J'aime que vous utilisiez le mot "conscience" dans votre question. Oui, je suppose que mon objectif en tant qu'artiste est d'offrir un changement de perspective momentané au spectateur - puis-je changer le point de vue de quelqu'un sur une chose ordinaire, même si ce n'est que pour un instant ? Je crois qu'une image ou une émotion peut résonner plus profondément que les faits sur le sujet.


C'est l'une des questions que j'ai posées à mes spectateurs tests : "Quelle image ou quelle idée vous a marqué ?" Des baleines qui marchent, des microplastiques, une pandémie dans la pandémie - en voici quelques-unes. J'ai résisté à l'envie de proposer une

solution parce que je crois fondamentalement que ce n'est pas le rôle de l'individu de résoudre ce problème.


C'est la fausse solution du recyclage du plastique - cela ne se fait tout simplement pas. Bien sûr, nous devons essayer d'éviter l'usage du plastique lorsque nous le pouvons

(comme je le fais), mais c'est une tâche impossible pour une mère moderne, où que vous

soyez. Il vaut mieux plaider pour une politique qui taxe les industries qui ont bâti leurs profits sur la pollution à une telle échelle.


Ce serait tout simplement "le coût des affaires". Le monde naturel ne peut pas parler pour lui-même, mais nous pouvons, et devons, le faire en son nom. C'est un système toxique et non durable, mais on peut le changer.


Nous devons nous concentrer encore et encore sur le pourquoi - "Remember the future" comme le célèbre votre festival.





Le générique de fin déroule une sacrée liste de crédits pour la photographie et la

vidéo. Comment avez-vous choisi les images qui allaient compléter votre propre travail de création graphique ? Certains de ces contributeurs ont-ils également crée des images spécifiquement pour votre film ?


Merci de m'avoir posé cette question. J'ai passé plus d'un mois rien que sur le storyboard. Je voulais utiliser beaucoup d'images d'archive et je devais m'assurer de pouvoir obtenir tous les droits. J'étais chez moi pendant la période 2020-21, et impatiente de faire une sortie sur le terrain dès que possible - pour me rendre au merveilleux "Bedford Whaling Museum", ou au "Metropolitan Museum of Art" pour y filmer, ou trouver une image dont j'avais besoin.


Tous les dessins rotoscopies et les images animées ont été réalisés pour le projet - soit par mes assistants de recherche, soit par moi-même. C'est toujours un défi de combiner autant de séquences et de rendre l'ensemble cohérent.


J'ai décidé d'utiliser des images dessinées pour mes mains, par exemple, afin qu'elles contrastent avec le plastique, qu'elles désorientent le spectateur en donnant l'impression de quelque chose de différent, mais aussi pour souligner l'idée que le plastique est beaucoup plus durable que nous, les humains. J'ai aussi du utiliser le dessin pour visualiser des choses qui n'existent pas, comme les baleines qui marchent.




Ce qui m'est venu à l'esprit en regardant le film, c'est quelque chose de l'ordre de "le

Film comme Poème comme Pamphlet" : est-ce le genre d'impression que vous aimeriez laisser à vos spectateurs ? Qu'espérez-vous leur transmettre ?


Si le spectateur peut repartir avec une ou deux idées ou images qui élargissent sa vision de l'occasionnel emballage plastique qu'il rencontre, alors j'ai fait mon travail.


Je ne propose pas de solution, je pose plutôt des questions. J'espère que ce travail suscitera de nombreuses conversations et que les gens creuseront un peu pour trouver des solutions. Mais honnêtement, il n'y en n'a pas de facile ; tout ceci appelle à des approches et perspectives multiples. En ce sens, la pollution plastique est un microcosme de la crise climatique dans laquelle nous nous trouvons - elle est fabriquée avec les mêmes matériaux (les combustibles fossiles), affecte les mêmes endroits - partout - et désavantage les plus pauvres.





Vous êtes-vous engagée dans un "travail de terrain" pour lutter contre la pollution

plastique, ou pensez-vous que votre art est votre contribution ? Quel est le rôle de l'artiste dans un monde qui s'est créé tant de problèmes ?


Je travaille également dans le domaine du design (que j'enseigne) et, depuis quelques années, j'ai lancé un projet collaboratif intitulé "Visualizing Pipeline Impacts" [Visualiser les Impacts des Oléoducs, NdlT] (@pipelineimpacts), qui a travaillé localement avec les communautés de la région de New York - Pennsylvanie pour lutter contre l'expansion des infrastructures de gaz naturel.


C'est vraiment ce travail qui m'a fait réaliser à quel point le processus d'extraction était toxique et nocif, et au détriment de certaines communautés. Tous ces problèmes peuvent parfois sembler insurmontables, et il est utile d'envisager une approche de type "Oui/et" : nous avons besoin que chacun s'implique de la manière la plus modeste, qui lui semble la plus appropriée, pour apporter sa contribution - comme consommateur, mère, scientifique, designer, voisin - tout compte.


Presque toutes mes promenades sur la plage ou dans la forêt m'amènent désormais à ramasser des plastiques.





Les derniers rapports sur l'environnement et l'état de la planète en général sont plus

qu'alarmants. Y a-t-il encore un espoir, à votre avis, que nous nous rattrapions avant que tout ne s'embrase, pour ainsi dire ?


Un de mes spectateurs-test m'a dit qu'il trouvait ma vision de l'avenir plus optimiste que la sienne. Je lui ai répondu que, puisque j'ai dédicacé ce film à ma fille, je ne pouvais pas ne pas conclure sur une telle note.


Mais en réalité, nous nous trouvons dans une situation terrible. Les énergies fossiles ont été une merveilleuse bénédiction pour l'humanité - dire le contraire serait stupide et hypocrite -, mais maintenant nous pouvons et devons arrêter de les extraire et de les brûler.


C'est la seule façon de ralentir les émissions de carbone que nous avons déjà rejetées dans l'atmosphère. Que feriez-vous si vous étiez dans un espace clos avec un moteur en marche crachant des gaz d'échappement ? Vous couperiez le moteur ! L'effet de serre entretient la vie sur terre, mais il piège également notre excès de carbone, comme un garage fermé.


Nous devons renoncer à brûler des combustibles partout où nous le pouvons.





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